Le ciel était nuageux et parsemé de rayons de lumière qui parvenait tout de même à les traverser. Etrangement strié, on pouvait se demander s’il allait faire finalement beau au cours de la journée, ou, au contraire, si le temps n’allait pas s’arranger et s’il allait rester gris, voir même pleuvoir. J’étouffais un bâillement. Je ne me faisais pas d’illusion, ici, il le ciel était plus souvent gris que bleu, de loin s’en fallait. Si je m’étais levée plus tôt, peut-être aurais-je pu voir le soleil sans nuages. Mais sa lumière n’avait pas suffit à me réveiller. Et puis, surtout, c’était le weekend, et le weekend, j’avais toujours dormi aussi longtemps que je le souhaitais, c’est à dire jusqu’à au moins neuf heures du matin. Ce matin, je ne sais pas, je n’ai pas regardé. Je sais que je me suis levée, et j’ai fini ma nuit debout, sous l’eau chaude de la douche. Je n’ai pas déjeuné, je n’avais pas faim. A la place, je suis allée dehors, et l’air frais de la nuit persistait encore. Quelques personnes étaient déjà dans le parc, mais personne que je connaissais suffisamment pour aller les voir, et personne avec ce regard perdu, cette lueur au fond d’eux qui montrent qu’ils ont besoin d’aide. Et puis, je ne sais pas. Je ne me sentais pas d’humeur, aujourd’hui, a aller aider des gens, a aller leur sourire, leur dire bonjour, leur remonter le moral. Il y a de ces jours, comme ça, généralement à cause d’un mauvais rêve dont je ne me rappelle déjà plus, qui sont moroses et me paraissent sombre avant d’être entamées. Ces jours-là je suis plus sensible aux moqueries des autres. Je ne suis pas un souffre-douleur, non plus, mais les gens aiment se moquer de ceux qui sont plus gentils qu’eux, et ils croient pouvoir se servir de moi. En général, je les aide, dans ces cas-là, ils commencent par m’affubler de leurs grotesques pitreries pour me faire fuir, et ils se rendent compte qu’en fait, je n’ai pas forcément tort et qu’ils ont envie de parler. Quand tout est fini, quand à nouveau ils se sentent mieux, qu’ils se sont rendu compte qu’ils m’ont apprécié, c’est variable. Quelques fois ils continuent d’aller me voir, ils se tapent la discute, on rigole un peu. Quelque fois se sont eux qui veulent savoir des choses sur moi, mais je ne ressens pas le besoin d’être aidée, d’ailleurs mes problèmes ont été réglés plutôt rapidement, pour moi, je ne suis pas de ces personnes à ressasser mes petites histoires dans ma tête sans arrêt en ne pensant qu’a moi, So selfishness. Ou alors ils partent, comme ça, sans me remercier, et quand on cite mon nom ils daignent ne pas savoir qui je suis, refusant d’admettre que j’aie pu leur être utile.
Bref, c’était un dimanche et je n’avais pas envie de ma prendre la tête avec quelqu’un, je n’avais pas vraiment d’ennemis et je n’étais l’ennemie de personne, mais surtout pas le courage d’aller aider les autres, ne sachant comment ils réagiraient et n’ayant pas envie de servir d’outil. Je me consacrais donc à mon père, comme durant ces fameux weekend où il ne travaillait pas en cuisine, où je lui parlais de moi et qu’il me parlait de lui, des dimanches en familles comme il n’y en avait que trop peu, bien que je sache que parfois il avait du mal à me suivre, à me cerner, j’étais encore trop imprévisible pour lui que je connaissais depuis tellement longtemps, pourtant… Alors, bien sûr, il n’était pas là, mais il se plaignait que je lui parle tout le temps de Poudlard sans qu’il ne puisse voir réellement l’école. Je me dirigeais vers le lac et m’assis, pas juste au bord, non plus, parce qu’il y aurait toujours un petit malin pour me pousser dedans ou des petits malins pour chahuter et mouiller mes feuilles. Je sortis un simple crayon de papier et une feuille de parchemin, et commençais à dessiner les contours du lac. Je n’étais pas une excellente dessinatrice, loin de là, même, mais les appareils photos moldus ne fonctionnaient pas, comme tous les appareils numériques, et je n’avais pas de ces appareils qui laissaient vivre l’endroit à travers la photo. C’était dommage, d’ailleurs, parce que sur l’une de ces photos, mon père aurait peut-être eu un jour la chance d’apercevoir une sirène et voir que je ne racontais pas que des sornettes pour lui faire croire que tout allait bien dans ma vie alors qu’en fait non. Mon père n’était pas paranoïaque, mais comme je l’ai dit plus haut, il avait parfois du mal à me cerner, des fois même dans ma tête je paraissais plus adulte que lui. Peut-être que c’est de là que vient mon envie, non, mon besoin, d’aider les gens, la culpabilité. Oui, je me sentais coupable, parfois, de lui avoir volé un bout de sa jeunesse. Je suis née alors qu’il n’avait que dix-sept ans, et je devins une véritable charge pour lui un an plus tard, lorsque ma mère le quitta. Je me rappelle encore des engueulades qu’on avait, quand il me disait que je n’étais pas sa fille et qu’il n’était pas mon père. Mais bon, c’est du passé tout ça, désormais, heureusement pour moi, d’ailleurs, parce que je ne supporterais pas l’avoir tout le temps sur mon dos en train de me renier.
Je fis le vide dans esprit, fixai le lac et commençais à dessiner les contours avec soin, laissant mon crayon tracer ce que je voyais. Je savais bien qu’avec ma baguette il y avait des moyens plus simples, mais je voulais dessiner ce que je voyais, je voulais que ça vienne vraiment de moi, même si j’adorais ma baguette, bien sûr. Je me sentais revenir en enfance quand on s’est réconciliés et que je m’étais mise à dessiner notre futur. Il avait dit que c’était magnifique. Quelques années plus tard, j’étais retombée dessus, et en contemplant mes horreurs je me suis dis qu’un adulte peut être bien hypocrite avec son enfant quand il est petit. Mais à sa place, j’aurais fait pareil. Moi même je n’aurais pas trop apprécié à l’époque qu’il me dise que c’était moche. Tout ce que j’espérais aujourd’hui, c’était parvenir à un résultat convenable, pouvant correspondre au lac que je voyais au moins en fermant les yeux. La couleur viendrait ensuite, il fallait déjà que je trace toute cette étendue d’eau. Les doigts crispés sur mon crayon, je me mis au travail.